Le foncier : une question stratégique
Le foncier se trouve au centre des préoccupations des personnes qui cherchent à s’installer en agriculture
On l’entend souvent, « l’accès au foncier est trop difficile pour des gens non issus du milieu », « le foncier coûte trop cher pour des jeunes qui s’installent ».
Il y a donc 2 questions sous-jacentes :
- la difficulté d’accès aux informations et au foncier lorsqu’on n’est pas issu de la région et/ou pas issu du milieu agricole ;
- le prix du foncier (bâti et non bâti)
Accéder aux informations et trouver du foncier
La mobilisation des réseaux est indispensable pour permettre à des jeunes de trouver du foncier et de comprendre leurs droits en termes de réglementation agricole. Toutes les composantes du projet Paysans de nature ont leur rôle à jouer :
- les réseaux de paysannes et paysans déjà installés, car ils et elles connaissent les étapes administratives pour accéder au foncier (demandes d’autorisation d’exploiter), les obligations et droits (dotation jeune agriculteur, schéma départemental des structures, règles de priorité, besoin ou non de capacité agricole) et les écueils à éviter, parfois propres à leur territoire. Ils et elles ont accès aux informations par le biais de leurs syndicats et de la presse agricole, ou tout simplement par le bouche à oreille. Ils connaissent leurs voisins et savent quelles fermes et quelles terres seront à reprendre dans la années à venir. Ils sont en outre en capacité de conseiller les porteurs de projet sur l’adéquation de leur projet avec les surfaces ;
- les structures agricoles locales (ADEAR, GAB, CIVAM etc), pour les mêmes raisons, notamment quand elles ont des salariés implantés dans le territoire. Ces structures sont souvent un maillon nécessaire entre le travail de proximité (porté par les paysans, les consommateurs, les naturalistes) et le travail de niveau départemental (aide au montage des dossiers d’installation) ;
- les consommatrices et consommateurs, car ils connaissent leur territoire et peuvent connaître des fermes ou du foncier qui vont être cédés, et peuvent eux-mêmes avoir des propriétés foncières disponibles ou bientôt disponibles ;
- les associations de protection de la nature, car elles disposent la plupart du temps des ressources salariées pour « mettre de l’huile dans les rouages » ( par exemple produire rapidement des cartes à partir de numéros de parcelles), mais aussi analyser les potentialités du territoire en termes de milieux naturels, et donc l’adéquation des projets aux enjeux. Elles sont aussi en capacité de faire le lien avec les institutions de la protection de la nature (DREAL, Agences de l’Eau), avec les gestionnaires d’espaces naturels et qui ne peuvent qu’être intéressés pour confier la gestion pastorale de leurs parcelles à des paysans convaincus par la démarche. Il peut s’agir d’Espaces Naturels Sensibles (propriétés des Départements), de terrains appartenant au Conservatoire du Littoral, aux Conservatoires des Espaces Naturels, de Réserves Naturelles ;
- les collectivités locales, car elles disposent parfois de foncier (vocation environnementale, agricole, compensatoire, espaces verts), et peuvent les mettre à disposition d’éleveurs.
Financer le foncier
Plus le temps passe, plus les fermes s’agrandissent, plus elles sont chères. Cette tendance risque de se poursuivre compte tenu de la démographie paysanne.
Lorsque les porteuses et porteurs de projet n’ont pas la capacité financière d’acheter eux-mêmes la ferme et le foncier (qui n’est cependant pas toujours à vendre !), les réseaux permettre de rassembler le budget nécessaire :
- parce qu’il s’agit de projets respectant les principes de l’agriculture biologique ET accordant une place importante à la faune et à la flore sauvage, les associations de protection de la nature sont en capacité de mobiliser des financeurs soutenant la restauration ou la conservation de la biodiversité sauvage et de l’environnement (qualité de l’eau notamment). Il peut s’agit de collectivités, d’établissements publics (Agences de l’Eau par exemple : celles-ci ont des budgets réservés à l’achat de terrains en zone humide ou avec un enjeu de protection de la ressource), de fondations privées, mais aussi, pourquoi pas, d’entreprises cherchant du foncier dans le cadre de la séquence Eviter-Réduire-Compenser. A partir du moment où les projets d’installation sont en capacité de restaurer des milieux naturels dégradés, les potentialités de financement sont importantes. Dans ce cas, l’association locale peut devenir propriétaire du foncier non bâti.
- les personnes physiques (paysans installés ou consommateurs) peuvent être sollicités pour de la finance solidaire, qu’il s’agisse de dons, de prêts à taux 0 (le prêt à taux 0 est encadré par la loi via un cerfa et un dépôt aux impôts pour des sommes dépassant les 5000 €, mais la procédure est très simple) ;
- des structures comme la foncière Terre de Liens (ou des structures type SCI, qui agissent au niveau local) peuvent se porter acquéreur du bien (sur le principe de la finance solidaire également), avec la participation de citoyennes et citoyens sociétaires ;
Il peut parfois être nécessaire, lorsque les bâtiments sont trop grands, les terrains trop vastes ou l’investissement trop important pour un seul porteur de projet, de construire des projets collectifs (ex : ferme des Cochets à Saint-Urbain en Vendée, ferme de l’Audace en Loire-Atlantique).
C’est donc, encore une fois, la mobilisation de plusieurs réseaux, qui permet d’aboutir au financement des installations.