Comment l’équarrissage naturel fait « réapparaître » des espèces supposées disparues…

Grosse actualité entomologique à Laroque de Fa, sur la placette d’équarrissage naturel partagée par les éleveuses et éleveurs du groupe local Paysans de nature

Cette placette a été mise en place pour accueillir des vautours et autres nécrophages, et pour éliminer gratuitement et écologiquement les animaux morts dans les troupeaux (chèvres, moutons).

Elle a déjà offert aux éleveuses et éleveurs de nombreuses et belles observations de vertébrés (vautours, aigles., grands corbeaux, renards…).

Mais ces placettes sont aussi des endroits qui profitent à tout le cortège des invertébrés nécrophages, qui se sont raréfiés car la majorité des animaux d’élevage morts sont envoyés dans les usines d’équarrissage, à grand renfort de pétrole et de machines.

Voilà l’histoire : en février 2023, les entomologues de l’université Paul Sabatier de Toulouse découvrent, avec Matthieu (l’un des éleveurs), des « mouches gypaètes » ou « mouches à tête orange » sur la placette. Cette espèce de mouche, qui comme ses pseudos l’indiquent, a la tête orange et se nourrit dans les os des cadavres (comme le Gypaète, la Mouche étant plus vraisemblablement spécialiste de la cervelle, miam miam), était considérée comme disparue depuis le 19e siècle jusqu’à sa redécouverte récente dans le massif Pyrénéen français, en Ariège. C’est d’ailleurs en raison de cette découverte que les entomologues fouillaient la placette de Laroque de Fa…

Et voilà que, dans sa nouvelle passion pour les mouches, Matthieu photographie, la semaine dernière, une toute petite mouche (quelques millimètres de long), sur la placette aussi… Après examen des photos par les spécialistes, il s’avère qu’il s’agit très probablement de Centrophlebomyia anthropophaga. Celle-ci n’a pas de nom français : encore plus rare que la Mouche gypaète, elle n’a été officiellement décrite que dans les années 2000, en Sardaigne, même si des médecins l’avaient probablement observée (sur des cadavres humains, d’où son nom !) en France au 19e siècle, mais a priori jamais observée depuis, nulle part dans le monde !

L’université de Toulouse a installé, à proximité de la placette, des cages d’émergence et une « tente malaise » (piège à insectes) pour tenter de comprendre le fonctionnement de cette mouche.

Ce qu’on sait déjà, c’est qu’il n’y a que 3 mouches nécrophages de cette famille, et que leur rareté est liée à l’absence de cadavres dans la nature, car l’Humain les fait disparaître dans des usines… Le pastoralisme extensif occupe le territoire d’espèces dont les relations complexes n’ont pas fini de nous surprendre…

Dingue !